Malgré les efforts internationaux pour identifier des biomarqueurs de la dépression, aucun n'a été transféré en pratique clinique, ni pour le diagnostic, ni pour l'évolution, ni pour la réponse thérapeutique. Ceci nous a conduit à construire une cohorte nationale française (à travers le réseau clinique et de recherche SoPsy au sein de la Société Française de Psychiatrie Biologique (AFPBN) et de la Société Française du Sommeil (SFRMS)), pour mieux identifier les marqueurs du sommeil et des rythmes biologiques et valider des sous-groupes de patients plus homogènes, mais aussi pour préciser les manifestations et les pathogénésies des troubles dépressifs.

Les troubles dépressifs sont un groupe de troubles fréquents et graves qui touchent jusqu'à 20 % de la population générale. L'OMS prévoit que la dépression sera la première cause d'invalidité d'ici 2030. Ce problème de santé publique croissant se caractérise par une diminution du fonctionnement psychosocial et de la qualité de vie, et est associé à un taux élevé de suicide. En outre, il a un impact économique important, notamment une perte de productivité et une augmentation significative de l'utilisation des services de soins de santé. À ce jour, le diagnostic d'un épisode dépressif repose uniquement sur une évaluation clinique et des critères de diagnostic. Malgré les efforts internationaux visant à identifier les biomarqueurs de la dépression, aucun d'entre eux n'a été transféré dans la pratique clinique, que ce soit pour le diagnostic, l'issue ou la prédiction du traitement. Certaines difficultés et l'absence de reproduction de certains résultats sont directement liées à la nature des troubles dépressifs, qui comprennent un grand nombre d'entités très hétérogènes. Parmi les marqueurs d'intérêt chez les patients souffrant d'un épisode dépressif majeur (EDM), la littérature scientifique a montré des liens étroits entre la dépression et les perturbations du sommeil et des rythmes biologiques. Ainsi, plus de 90% des patients souffrant d'un EDM présentent des troubles du sommeil (PMID:28972930). De plus, il est maintenant bien démontré, via des études épidémiologiques et de suivi longitudinal, que les troubles du sommeil, et en particulier l'insomnie, sont à la fois des facteurs de risque et des prodromes de l'EDM. Ces anomalies du sommeil et du rythme semblent persister pendant les phases de rémission et apparaissent comme des facteurs de risque de récidive dépressive. Des anomalies objectives, évaluées par actigraphie et polysomnographie, ont également été mises en évidence lors d'épisodes et chez des sujets à risque de dépression, et apparaissent donc comme des marqueurs d'état et de trait du trouble. Ces anomalies du sommeil et du rythme circadien, en plus d'être associées à la rechute dépressive, sont associées à un mauvais fonctionnement global, à une mauvaise qualité de vie et à un risque de syndrome métabolique. De plus, les troubles dépressifs englobent un ensemble très hétérogène de conditions, et ces biomarqueurs semblent très prometteurs pour mieux caractériser les différents sous-types de troubles et pour mieux caractériser les populations de patients. Enfin, ces observations cliniques font des anomalies du sommeil et du rythme circadien des cibles thérapeutiques essentielles, permettant de proposer une médecine réellement plus personnalisée en psychiatrie. Il est donc urgent de mieux caractériser les différents sous-types de troubles dépressifs et de mieux comprendre la pathogénie et l'évolution de ces troubles afin de disposer de marqueurs prédictifs de conversion, de récidive ou de réponses thérapeutiques. L'objectif de l'identification de tels marqueurs serait aussi, à terme, de mieux dépister les patients et de proposer des stratégies thérapeutiques adaptées et personnalisées. La constitution d'une cohorte nationale, avec une caractérisation fine et homogène entre les centres, vise à répondre à ces objectifs en évaluant les dimensions psychiatriques, addictives, de sommeil et de chronobiologie des troubles dépressifs.