Le poids des troubles neuropsychiatriques dépasse celui des maladies cardiovasculaires et des cancers

L’étude la plus récente et la plus importante sur le « Poids Mondial des Maladies », GBD pour « Global Burden of Disease » (qui correspond au « fardeau » que font peser les maladies sur la société) retrouve que les troubles neuropsychiatriques représentent un poids plus important que les maladies cardiovasculaires et le cancer.

En effet, l’étude “Global Burden of Disease“, montre que plus de 15% du poids totale de la santé dans le monde qui peut être imputé aux troubles neuropsychiatriques, notamment la dépression.


Selon plusieurs épidémiologistes cela ne va pas s’arranger dans les années à venir puisque d'après Shayla Smith (épidémiologiste à l’Université de Washington) : “Le fardeau des affections cérébrales va s’alourdir à mesure que les populations continuent de croître et de vieillir


D’après l’IHME, le vieillissement de la population (plus de 50 millions de personnes seront âgées de 65 à 79 ans en 2050) et la pandémie de COVID-19 vont très fortement influencer la prévalence des troubles mentaux dans le monde, de même que d’autres facteurs liés aux troubles cérébraux tel que l’obésité et le tabagisme.


L’étude GBD, dont les résultats ont été présentés lors du congrès de l’Académie européenne de neurologie (EAN) 2023, est la plus ambitieuse étude d’épidémiologie descriptive réalisée ces dernières années, avec l’objectif de quantifier systématiquement les « pertes » de santé dues aux maladies, aux blessures et aux facteurs de risque au fil du temps, en les stratifiant par pays, région, âge et sexe. Cela permet aux chercheurs de cartographier et projeter les tendances pour le siècle à venir et donc d’estimer les dépenses liées aux maladies par pays, par type de dépenses et par pathologie pour obtenir un score d’accès aux soins et de qualité pour chaque système de santé dans le monde.

Cette étude évalue également l’exposition aux facteurs de risque, la manière dont ces facteurs de risque contribuent à la charge de morbidité et les résultats sanitaires associés afin de refléter les disparités. C’est à partir de ces travaux, que Xaviera Steele (également chercheuse à l’IHME) a déclaré en conférence de presse que la santé mentale et les affections connexes sont “l’un des défis les plus urgents du XXIe siècle”.


Le vieillissement de la population est attesté par des données recueillies auprès de 200000 sources. Ces données indiquent que le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans augmentera de 350% d’ici à 2100, ce qui implique que « des mesures politiques seront nécessaires pour aider les familles, qui auront du mal à fournir des soins de qualité à leurs proches atteints de démence à un coût raisonnable ». A titre d’exemple, en Europe, les dépenses de santé liées à la maladie d’Alzheimer augmenteront de 226% entre 2015 et 2040.


En ce qui concerne les autres pathologies, depuis 1990, le nombre de personnes vivant avec de l’anxiété (toujours en Europe) a augmenté de 14%, tandis que le nombre de personnes vivant avec des troubles dépressifs a augmenté de 13%, et c’est encore plus frappant à l’échelle mondiale.

« On estime aujourd’hui que la dépression touche 300 millions de personnes dans le monde, ce qui représente une augmentation de 71% depuis 1990 » dit encore Shayla Smith

De même le nombre d’accidents vasculaires cérébraux a augmenté de 95% au cours de la même période, cependant “l’impact des AVC a diminué depuis les années 1990 grâce à l’amélioration des traitements disponibles”, souligne le Dr. Smith dans le communiqué de presse.

Pour estimer le tribut payé aux affections cérébrales, y compris les troubles neurologiques, les troubles mentaux, les maladies cérébrovasculaires, le cancer du cerveau, les lésions cérébrales et certaines maladies infectieuses, les chercheurs ont calculé les Années de Vie Corrigées de l’Incapacité (AVCI). Ce calcul, rend compte de la morbidité et de la mortalité associées aux affections cérébrales et est ajusté en fonction du lieu de résidence, de l’âge et du sexe du patient.

A l’échelle mondiale, les affections neuropsychiatriques représentaient plus de 15% de toutes les pertes de santé en 2021, soit 406 millions d’AVCI, contre 206 millions d’AVCI pour le cancer et 402 millions pour les maladies cardiovasculaires.


Cette perte de santé est associée à une perte de revenu de 1,22 trillion de dollars pour les personnes vivant avec ces troubles, et représente 1,14 trillion de dollars en coûts directs de soins.

« Le fardeau des troubles mentaux, des affections neurologiques et des accidents vasculaires cérébraux devrait s’alourdir considérablement d’ici à 2050, et il faut également noter que la perte de santé liée aux affections neuropsychiatrique est plus élevée chez les jeunes patients » Shayla Smith


L’étude GBD n’est pas encore disponible en ligne, les résultats ont été présenté au Congrès de l’Académie européenne de neurologie (EAN) 2023 (Résumé EPO-236. Présenté le 2 juillet 2023), elle a été financée par l’Institute for Health Metrics and Evaluation de l’université de Washington et les auteurs ne rapportent aucun conflit d’intérêt. A voir ici.


Le fardeau indirect des troubles neuropsychiatriques


Aucune étude n’a jamais évalué l’impact indirect des maladies neuropsychiatrique de manière globale, c’est-à-dire également l’impact de ces maladies sur les autres pathologies.

En effet, si l’on y regarde de près un très grand nombre de cancer et de maladies cardiovasculaires sont en réalité des conséquences secondaires de troubles psychiatriques (addictifs notamment) : le tabac, l’alcool et les troubles du comportement alimentaire (binge eating, hyperphagie boulimique, etc.) sont responsable de la majorité des AVC, des infarctus myocardiques, des cancers de la bouche, de la gorge, de l’œsophage, du foie, du sein et du colon., etc. Ce sont plus que des « facteurs de risque », ce sont en réalité des causes quasi-directe puisque l’OMS estime que le tabac est responsable de 20 à 30% de la mortalité par cancer, et l’alcool de 5%.


Ainsi, si l’on imputait aux troubles neuropsychiatriques une partie des AVCI actuellement attribué aux maladies cardiovasculaire et aux cancers (25% des AVCI des cancers, et 12% des AVCI des maladies cardiovasculaire) et si l’on reprend les chiffres de l’étude GBD, le poids des maladies neuropsychiatriques serait encore plus important avec plus de 500 millions d’AVCI (contre 350 pour les maladies cardiovasculaires et 150 pour le cancer).


En conclusion


La santé cérébrale, qui englobe des problématiques aussi variées que les maladies neurodégénératives, les troubles mentaux et les blessures cérébrales, est fondamentale pour le bien-être individuel et collectif. Les troubles du cerveau affectent non seulement la qualité de vie des individus, mais aussi leur capacité à contribuer à la société, ce qui en fait un enjeu majeur de santé publique.


Pourtant, la santé cérébrale est souvent négligée par rapport à d’autres domaines de la santé publique, comme les maladies cardiaques ou le cancer. Cette négligence est souvent due à une combinaison de facteurs, y compris le manque de sensibilisation et d’éducation, la stigmatisation liée aux troubles mentaux et le manque de ressources. Les recherches sur le cerveau sont aussi complexes et coûteuses, ce qui rend difficile l’obtention de financements suffisants.


Par ailleurs, les troubles cérébraux sont souvent invisibles et leurs symptômes peuvent être mal interprétés, retardant ainsi le diagnostic et le traitement. De plus, la santé mentale est souvent séparée de la santé physique dans le système de soins de santé, ce qui peut minimiser l’importance de la santé cérébrale.


C’est pourtant un enjeu crucial : en négligeant la santé cérébrale, nous courons le risque d’une augmentation des troubles mentaux, du déclin cognitif et d’autres problèmes de santé liés au cerveau. Il est donc essentiel de placer la santé cérébrale au cœur de nos politiques de santé publique, d’investir dans la recherche et de promouvoir une meilleure sensibilisation.

Reconnaître la santé cérébrale comme une priorité de santé publique est une étape nécessaire pour assurer le bien-être de notre société à long terme.

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