Qu'est-ce que la dépression ?

Le terme « dépression » renvoi à une variété de situations cliniques différentes, qui sont toutes caractérisées par une dégradation de l’humeur

Egalement appelée dépression caractérisée ou dépression majeure, la dépression est donc un trouble psychiatrique caractérisé par un ou des épisodes de « baisse d’humeur », avec pour symptôme cardinal une importante tristesse, accompagnée d’un cortège d’autre symptômes « psychologiques » – baisse de l’estime de soi, visions négative des choses, ruminations, etc. – mais aussi instinctifs et cognitifs tels que :

- Des troubles du sommeil (insomnie, réveils nocturnes, hypersomnie, etc.)
- Des troubles de l’appétit (baisse ou augmentation)
- Des troubles de la concentration, de l’attention, de la mémoire

L’un des principaux symptômes de la dépression est l’anhédonie, c’est à dire la perte du plaisir, et même la perte de la recherche du plaisir : rien ne fait plaisir, et cela n’a même plus d’intérêt d’en rechercher puisque l’on sait à l’avance qu’on ne ressentira rien. A l’extrême certains patients décrivent même un état d’anesthésie affective, avec l’impression de ne plus rien ressentir. A cette perte du plaisir, s’associe souvent un augmentation du « déplaisir », c’est à dire que des choses qui auparavant n’auraient été que gênantes, deviennent profondément déplaisantes. Cet état est propice à l’apparition d’une irritabilité, ou d’une sensation de colère.

Les épisodes de dépression peuvent démarrer progressivement (dégradation lente de l’humeur) ou parfois brutalement. Ils peuvent être secondaires à des facteurs déclenchants (évènements de vie négatifs) mais dans de nombreux cas ils peuvent être spontanée (ou déclenché par des évènements qui ne sont théoriquement pas suffisants pour déclencher un épisode).

Leur durée est variable, de quelques semaines (au moins 2 pour parler de véritable épisode dépressif caractérisé) à quelques mois (en moyenne huit), mais certains patients présentent des états persistant de dépression qui peuvent durer plusieurs années.

Leur sévérité est variable également, en fonction de l’intensité des symptômes et du nombre de symptômes présent, l’épisode peut être considéré comme léger, modéré ou sévère. Généralement des échelles permettent d’évaluer chacune des dimensions de la dépression afin de déterminer un score de dépression. Ce score permet de suivre l’évolution du trouble, notamment lorsqu’une intervention thérapeutique est mise en œuvre, ce qui permet d’éviter de se baser uniquement sur un ressentit subjectif, car comme dit l’adage : « Ce qui ne se mesure pas, ne s’améliore pas » (Lord Kelvin)

Il ne faut pas confondre sévérité et gravité et c’est contre-intuitif mais une dépression modérée… peut être grave. Ce qui va faire la gravité c’est le retentissement du trouble : arrêt de travail, suicide, ruptures relationnelles, etc. Ainsi une dépression modérée qui aboutit à un suicide (cela existe) va être très grave et une dépression légère qui entraine des difficultés relationnelles telles que le patient va se couper de son entourage va être également grave. Même un seul symptôme de dépression (comme une anhédonie « isolée » par exemple) peut être grave. Autrement dit, toutes les dépressions sévères sont graves, mais toutes les dépressions graves ne sont pas forcément sévère : ce sont deux choses différentes.

Pour parler l’Episode Dépressif Caractérisé (EDC), il faut donc que plusieurs éléments soient réunis :

  1. Des symptômes de dégradation de l’humeur (cf. supra)

  2. Pendant une durée suffisante (au moins 2 semaines)

  3. Avec un retentissement important (sans retentissement, pas de trouble)

  4. En absence d’autre causes ou diagnostics explicatifs


Le retentissement est important à évaluer puisque c’est lui qui fait en partie la gravité de la maladie. La dépression est une maladie handicapante qui peut retentir sur le sommeil, l’alimentation et la santé en général avec notamment un risque de suicide dans les cas les plus graves (notamment dans la dépression mélancolique), ainsi que sur la famille, la scolarité ou le travail.

Une très belle vidéo réalisée par la fondation Deniker met en avant les symptômes de la dépression :


Les facteurs à l’origine de la dépression sont biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux. Le modèle bio-psycho-social, met en avant l’interpolation de ces facteurs, avec donc des éléments biologiques (ex : « la chimie du cerveau ») qui est à la fois influencée par et qui influence la psychologie (ex : la personnalité du sujet, ses traumatismes antérieurs, etc.), qui influence et qui est influencée par l’environnement (et notamment les facteurs de stress). La chimie du cerveau comprend la vulnérabilité préexistante (influence génétique), les neuromédiateurs, les récepteurs des neuromédiateurs, le métabolisme cérébral, les réseaux neuronaux, etc.

II. Quelques mots sur les traitements


En fonction de la sévérité du trouble, les patients peuvent être traité par différentes stratégies thérapeutiques.

Il est important de distinguer :

- Dépressions réactionnelles et non réactionnelles

- Dépressions légère, modérée, sévère

- Dépression mélancolique, psychotique, catatonique, atypique, saisonnière

- Dépressions non résistantes, résistantes et ultra-résistantes

- Dépressions organiques et non organiques

- Dépressions unipolaires et bipolaires


A. Dépressions réactionnelles et non réactionnelles


Une dépression réactionnelle fait suite à un facteur déclenchant, en général un évènement de vie, tel qu’un deuil (qui n’est pas pathologique en soi, mais qui peut se compliquer de dépression), qu’une séparation, qu’une perte d’emploi, qu’un traumatisme physique ou psychologique, etc. Parfois des évènements stressants « positifs » peuvent également entrainer une dépression, car le cerveau ne sait pas distinguer stress positif et négatif (« le stress, c’est le stress »), ainsi des dépression peuvent survenir après un mariage, une promotion, un déménagement, une naissance, etc.


Après une naissance, cela constitue une entité a part, appelé dépression du post-partum, et qui n’est pas uniquement lié au stress (positif ou négatif) engendré par la grossesse et l’accouchement, mais qui est aussi liée aux perturbations hormonales et biologiques.

Dans un certain nombre de cas, aucun élément déclenchant n’est retrouvé. Avant on appelait cela des dépressions « endogènes », c’est à dire des dépressions liées à des mécanismes psychobiologiques internes. Ces dépressions sont souvent réputées plus sévères, et on estime que les déterminants biologiques sont prépondérants dans cette forme de dépression.


La répétition d’épisodes de dépression réactionnel peut modifier le seuil de déclenchement d’un épisode. Autrement dit, plus on fait de dépression réactionnelles, plus on a de risque de faire des dépressions non réactionnelles, ou en réponse à des évènements de vie qui auparavant n’auraient pas déclencher de dépression (ex : une dispute, une contravention, une mauvaise nouvelle, etc.), comme si le fait de faire des épisodes « sensibilisait » le cerveau.


Classiquement on disait que le traitement des dépressions réactionnelles reposait sur le temps (la distance avec le facteur déclenchant améliorant les choses) et la psychothérapie, tandis que le traitement des dépressions endogène reposait sur les médicaments. En réalité cela va surtout dépendre de l’intensité des symptômes, et même si généralement les dépressions « endogènes » sont réputées plus sévères, en réalité des dépressions réactionnelles peuvent également être très sévères.


B. Dépression légère, modérée et sévère.


Comme vu précédemment, en fonction de la présence ou non de certains symptômes, et en fonction de l’intensité des symptômes présents, un professionnel de santé entrainé (psychiatre, médecin généraliste spécialisé, etc.) peut évaluer l’intensité de la dépression et proposer un traitement adapté.


Généralement une dépression légère répond bien aux interventions sur le mode de vie (ex : identification et traitement des facteurs de stress), à l’activation comportementale et aux psychothérapies (TCC, psychothérapie d’inspiration psychodynamique, mais aussi des thérapies moins validées telles que l’hypnose, l’acupuncture, etc.). Lorsque les troubles du sommeils sont centraux, il suffit parfois de traiter correctement le sommeil pour qu’une dépression légère s’amende. Parfois des modifications du rythme de vie, de l’alimentation, de l’activité physique suffisent si la dépression est réellement légère.


En cas de dépression modérée, outre les interventions proposées pour les dépressions légères (et qui sont malheureusement insuffisante en cas de dépression modérée) deux alternatives sont possibles en « monothérapie » (c’est à dire seules) : la psychothérapie structurée (TCC ou psychothérapie d’inspiration psychodynamique) ou les médicaments antidépresseurs. A noter, comme nous le verrons plus bas, qu’en cas de dépression résistante ou bipolaire, d’autres stratégies sont possibles même si la dépression est modérée.


En cas de dépression sévère, il est fortement recommandé d’allier systématiquement les deux intervention précédentes et donc d’associer psychothérapie ET médicament. Les études montrent que l’absence de traitement médicamenteux en cas de dépression sévère constitue une perte de chance importante. Il est possible dans certain cas que la dépression s’améliorent uniquement avec de la psychothérapie, mais d’une part, ce n’est pas toujours le cas, et d’autre part cela rallonge la durée de l’épisode dépressif, or on sait maintenant que plus un épisode dure longtemps plus il « fragilise » le cerveau car tous les épisodes sont « neurotoxiques ».


C. Mélancolique, psychotique, catatonique, atypique, saisonnière


Il existe différent « sous-type » de dépression, en fonction de la présence ou de l’absence de certaines caractéristiques.


En cas de dépression très sévère, 3 caractéristiques peuvent apparaitre :


Mélancolique : forme la plus sévère de dépression avec douleur morale permanente et risque suicidaire très élevé.


Psychotique : perte du contact avec la réalité et apparition d’éléments délirants qui peuvent être congruent à l’humeur (ex : délire de ruine) ou non congruent (ex : paranoïa).


Catatonique : forme particulière de dépression mélancolique caractérisée par une perte des fonctions motrices avec maintient des postures et mutisme (dans sa forme inhibée) et/ou par des stéréotypies (forme activée) et de nombreux autres symptômes.


Le traitement de ces trois formes repose sur une hospitalisation systématique, permettant de délivrer des traitements médicamenteux, parfois directement en intraveineux (même si les études ne retrouvent pas toujours de supériorité sur la voie orale) et souvent un traitement par sismothérapie (électroconvulsivothérapie / ECT) permettant une amélioration « spectaculaire » dans 80% des cas.


La dépression atypique présente des « atypicités » notamment une hyperphagie (alors que très souvent les patients se plaignent au contraire de perte d’appétit lorsqu’ils sont déprimés) avec une appétence particulière pour les glucides, une hypersomnie (alors que généralement les patients se plaignent d’insomnie), une sensation de lourdeur des membres (comme s’ils avaient « les bras et les jambes en plomb »), une sensibilité particulière aux relations interpersonnelles (et notamment au rejet). Cette forme de dépression répond classiquement bien aux IMAO (une famille particulière d’antidépresseurs) et aux régulateurs d’humeur.


La dépression saisonnière est une dépression déclenchée par la saison hivernale le plus souvent, et qui régulièrement s’associe à des caractéristiques atypiques. Elle serait également plus représentée chez les patients souffrant de bipolarité. Un traitement par luminothérapie et mélatonine permet souvent d’améliorer la situation, mais dans un certain nombre de cas d’autres traitements (antidépresseurs, régulateurs d’humeurs) sont également nécessaires.


D. Dépressions non résistantes, résistantes, ultra-résistantes


Une dépression est dites « non résistante » lorsqu’elle répond à la première ou seconde ligne de traitement, c’est à dire lorsque au moins 50% des symptômes se sont améliorées avec les premiers traitements entrepris.


Une dépression est « résistante » à partir du moment ou elle ne répond pas aux 2 premières lignes de traitement médicamenteux (en général 2 antidépresseurs de classes différentes) qui auront été donnés à une dose suffisante, pendant un temps suffisant, avec un taux sanguin d’antidépresseur correcte (au moins au milieu de l’intervalle thérapeutique). Dans ce cas, plusieurs stratégies peuvent être entreprises :

  • Changer de traitement pour un antidépresseur jamais essayé d’une classe différente (en général un tricyclique ou du Bupropion ou une autre classe)

  • Associer 2 traitements antidépresseurs de classes différentes en même temps

  • Associer un antidépresseur et un régulateur d’humeur (ex : lithium, APA, AE)

  • Associer un antidépresseur et un hors-AMM (ex : pramipexol, ritaline, T3, etc.)

  • Associer un antidépresseur et une technique de neurostimulation (rTMS, tDCS)


Toutes ces stratégies dépendent de l’expérience du praticien. En cas d’échec de plusieurs de ces stratégies, ou en cas de dépression mélancolique, psychotique, catatonique, deux autres stratégies peuvent être employées et qui sont efficace dans 80% des cas de dépression résistantes :

  • La sismothérapie (ECT)

  • Les IMAO (des antidépresseurs avec certaines précautions d’emploi)


Une vidéo réalisée par l’AP-HM ou le Pr. Raphaelle RICHIERI explique la technique :


Une dépression est dite « ultra-résistante » lorsque les ECT et les IMAO sont en échec. Dans ce cas il est intéressant de proposer des traitements d’exception comme des associations de traitement (plusieurs régulateurs d’humeur, plusieurs hors-AMM, plusieurs techniques de neurostimulation), ou de la neurostimulation en haute intensité (ex : protocole de Stanford pour la dépression), ou de la neurostimulation invasive (stimulation cérébrale profonde), ou des traitements psychédéliques (psilocybine, MDMA, etc.).


Dans tous les cas, une psychothérapie sera indiquée, avec la même logique d’escalade thérapeutique et d’essais de psychothérapie différentes en fonction des problématiques. De même, une optimisation des précurseurs des neuromédiateurs est nécessaire pour les dépressions résistantes et ultra-résistantes (vérification et optimisation des taux de vitamines, d’acide aminés, etc.).


En cas d’ultra-résistance, la recherche d’une dépression organique est nécessaire.


E. Dépression organiques et non-organiques


Une dépression organique est une dépression secondaire à une maladie physique (maladie endocrinienne, maladie neurologique, maladie inflammatoire, etc.). En effet, certaines maladies physiques peuvent se manifester par des signes de dépression, parfois isolés et en général précurseurs d’autres symptômes physiques. Il peut être nécessaire de chercher ces troubles en réalisant un certains nombre d’examens complémentaires qui vont plus loin que ceux réalisés dans le bilan standard de dépression. En absence de cause organique, la dépression est dite « non organique » c’est une dépression classique liée à des causes bio-psycho-sociales.


Le traitement des dépressions organiques repose sur le traitement de la cause sous-jacente (par exemple substituer une hypothyroïdie, traiter une inflammation, etc.)


F. Dépression unipolaire et bipolaire


Une dépression est unipolaire lorsqu’il n’existe pas d’arguments pour un trouble bipolaire sous jacent. Nous vous renvoyons aux pages sur les bipolarités pour plus d’informations sur ces troubles.


En cas de dépression bipolaire, le traitement repose d’abord et avant tout sur des régulateurs d’humeurs, mais les antidépresseurs et les autres traitements décrits plus haut peuvent également être employés (avec précaution et pour une durée courte pour les antidépresseurs).

Réalisé par NeuroStim, version intégrale disponible ici

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