Faire travailler l'olfaction pour booster la mémoire ?

La problématique de l'altération des fonctions cognitives chez les personnes âgées suscite des interrogations fondamentales dans le domaine de la neurologie. Comment aborder cette préoccupation croissante de manière à la fois accessible, peu contraignante et efficace ? Les réponses à ces questions sont essentielles pour améliorer la qualité de vie des personnes confrontées à ces défis.

A l'âge adulte la neurogénèse (c'est à dire la formation de nouveau neurones) n'a lieu que dans 2 zones du cerveau : le bulbe olfactif et les hippocampes (impliqués dans la mémoire). On connaissait déjà les liens entre olfaction et dépression (les troubles olfactifs aggravent le risque dépressif) et les liens entre olfaction et mémoire ont également déjà été étudiés, mais l'étude présentée ici semble être la 1ère à avoir des résultats aussi significatifs !

"L'enrichissement environnemental", une approche bien étudiée, offre des perspectives intrigantes en favorisant la neuroplasticité et en améliorant les capacités cognitives, notamment dans les modèles animaux de vieillissement. Mais comment exploiter pleinement le potentiel de l'enrichissement environnemental, et en particulier de l'enrichissement olfactif, pour renforcer la mémoire et les fonctions cérébrales liées à l'âge ?


De plus, comment comprendre les liens complexes entre la perte de l'odorat et la détérioration cognitive, et comment l'enrichissement olfactif peut-il intervenir dans ces processus ?



Ces questions nous guident vers une exploration novatrice : celle de l'Enrichissement Olfactif Nocturne (EON).


Une étude réalisée par l'équipe de Cynthia C. Woo et Michael Leon (Department of Neurobiology and Behavior, University of California, United States) et publiée récemment dans Frontiers in Neurosciences (IF 4.3, Rang C) permet d'approfondir cette question (voir ici) chez des sujets âgés sans troubles cognitifs majeurs (mais cela ouvre la voie pour envisager d'autres études chez des sujets plus à risque)

Une étude innovante...


43 participants âgés de 60 à 85 ans ont été soigneusement sélectionnés au sein de l'Institut pour les troubles de la mémoire et les troubles neurologiques de l'Université de Californie. Ils étaient en bonne santé générale et avaient unscore minimum de 24 au test du Mini-Mental State Examination (MMSE).


Les participants ont été répartit en deux groupes distincts. Le premier groupe, composé de 20 individus, a été exposé à des odeurs d'huiles essentielles la nuit, tandis que le second groupe, composé de 23 participants, a servi de groupe témoin fictif. Chaque participant a reçu un diffuseur d'odeur pour une utilisation à domicile sur une période de 6 mois.

Le groupe exposé a bénéficié d'une exposition nocturne de 2 heures à différentes odeurs agréables, tandis que le groupe témoin a suivi une procédure similaire, mais avec de l'eau distillée dépourvue d'odeur.

Pour évaluer les effets de cette intervention, des évaluations cognitives et olfactives ont été effectuées au début de l'étude, puis à nouveau après 6 mois de suivi. Ces évaluations ont inclus des tests tels que le Test de Mémoire Verbale Auditive de Rey, des sous-tests de l'Échelle d'Intelligence pour Adultes de Weschler, ainsi que des évaluations olfactives utilisant les "Sniffin’ Sticks". Ces mesures ont permis de suivre attentivement l'évolution des compétences cognitives et olfactives des participants au fil du temps et en parallèle, des données d'IRM ont été collectées.

... Avec des résultats prometteurs !


Une différence significative et statistiquement robuste a été observée entre les deux groupes sur les différents tests avec 226% (!) de différence en ce qui concerne les performances au test de l'apprentissage verbal auditif de Rey.

Concernant le groupe témoin, la majorité a eut une dégradation légère de leur performance au cours du temps (comme attendu) alors que dans le groupe exposé à l'EON seul 1 participant a dégradé son score. Dans le groupe EON, les améliorations se sont maintenues un certain temps !


En rouge les performances du groupe exposé et en bleu celles du groupe témoin. Figure 2. Mean difference between pre- and post-measurements for the Rey Auditory Verbal Learning Test (RAVLT – A5). Statistically significant difference between groups using an ANOVA with repeated measures (p = 0.02).


Sur l'IRM des participants, certains paramètres mesurés au niveau de l'uncinate fasciculus gauche (une zone du cerveau) se sont modifiés dans le groupe ayant bénéficié de l'enrichissement olfactif par rapport aux témoins (mais ces modifications n'étaient pas totalement corrélées aux tests cognitifs)

Quels enseignements peut-on tirer de cette étude ?


L'objectif principal de cette étude était d'évaluer l'influence de la stimulation olfactive nocturne sur les facultés cognitives des individus âgés sur une période de six mois. Clairement les participants exposés à l'EON ont eut une amélioration très significative de leurs performances (226% de différence avec le groupe témoin notamment en ce qui concerne l'apprentissage de liste de mot sur le test auditif de Rey). Parallèlement, une structure cérébrale associée à diverses fonctions, notamment la mémoire épisodique et le traitement des informations socio-émotionnelles, s'est modifiée sur l'IRM.


Certes, cette étude présente certaine limites (taille réduite de l'échantillon notamment) mais ses résultats suggèrent qu'il serait vraiment intéressant de poursuivre dans cette voie avec de futures études, possiblement chez des patients souffrant déjà d'altération cognitive, ou chez des patients à risque. Des études permettant également d'évaluer l'impact de l'EON sur la prévention de la dégradation cognitive seraient également les bienvenues !


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