Améliorer ses fonctions cognitives avec la nutrition ?

La Maladie d’Alzheimer (MA) touche en France presque 1 million de patients (et on estime qu’ils seront 2.1 millions en 2040). En réalité, il faut tripler ce nombre pour comprendre combien de vies sont impactées par ce troubles puisque les aidants souffrent de voir leur proches dans cette situation, et parfois en viennent à s’épuiser (syndrome d’épuisement de l’aidant). Aucune intervention n’est actuellement disponible pour guérir la maladie, mais il existe quelques stratégies qui visent à en ralentir l’évolution

En effet, certains médicaments, la neurostimulation et la remédiation cognitive font partie des stratégies classiques permettant d'améliorer les fonctions cognitives, cependant ces thérapeutiques ont des limites importantes : les médicaments sont moyennement efficaces, la neurostimulation est prometteuse mais au stade de la recherche clinique, et la remédiation n'est pas facilement accessible, et surtout elle ne permet que de limité la vitesse du déclin.

Il est donc urgent d’identifier des stratégies efficaces pour préserver la fonction cognitive afin d’atténuer le lourd fardeau associé à la MA et aux démences associées, qui affectent en tout plus de 46 millions de personnes dans le monde.


Aucune intervention visant à prévenir le déclin cognitif chez les personnes âgées asymptomatiques n’est actuellement validée par les agences gouvernementales (HAS / ANSM en France, FDA aux USA). Certains chercheurs se sont donc penchés sur les interventions nutritionnelles et alimentaires, dans le but d’analyser si certaines d’entre elles pouvaient entrainer un bénéfice.


Une équipe du Wake Forest University Health Sciences (USA) a donc construit un essai contrôlé randomisé “COcoa Supplement and Multivitamin Outcomes Study for the Mind (COSMOS-Mind)” pour étudier certaines de ces stratégies, et notamment le cacao !


En effet, le cacao, sous sa forme non transformée, contient de grandes quantités de flavonoïdes (flavanols) et des quantités modestes de théobromine (un alcaloïde de la fève de cacao) et de caféine. Ils ont donc émis l’hypothèse que la consommation alimentaire de flavanols de cacao pourrait ralentir le déclin cognitif en améliorant la vasodilatation cérébrale, et donc le flux sanguin et la perfusion cérébrale, et même l’angiogenèse. Plusieurs études épidémiologiques antérieures viennent étayer cette hypothèse (ainsi que quelques petits essais cliniques, dont un essai montrant un bénéfice sur la mémoire et les fonctions exécutives chez des patients prenant des quantités importantes de flavanol > 50 mg/jour.


Quitte à faire un RCT, les auteurs ont cherché d’autres interventions prometteuses pour être dans le bras comparateur. Il était donc logique qu’ils s’attardent sur les micronutriments, minéraux et vitamines puisqu’il est maintenant assez prouvé que leurs carences (chez les personnes âgées) peuvent augmenter le risque de déclin cognitif et de démence. De nombreux essais ont déjà testé des vitamines “seules” (notamment la B9) ou en association (B9 + B12 + oméga 3 + vitamine D) avec des résultats mitigés. Cette absence de résultat positif peut s’expliquer par 2 raisons : soit la stratégie est réellement inefficace, soit l’étude sensé prouver son efficacité présentait des failles de conception (ex : dose insuffisante, durée insuffisante, tests insuffisamment discriminant, absence de prise en compte de facteurs confondants, etc.). Ainsi pour le moment, et avant leurs étude, même s’il s’agit d’un élément controversé, la science n’appuie pas l’utilisation des supplément nutritionnels de ce type pour améliorer les fonctions cognitives.


Pour trancher toutes ces questions, les auteurs de l’étude ont donc décidé de réaliser un essai contrôlé randomisé à long terme (3 ans), publié récemment dans Alzheimer’s & Dementia, une revue de rang A (IF à 16.6), et comparant plusieurs groupes de patients âgé de plus de 65 ans :

  • Groupe 1 : extrait de cacao + placébo de multivitamines, pour étudier l’effet propre du cacao

  • Groupe 2 : placébo de cacao + multivitamines, pour étudier l’effet propre des multivitamines

  • Groupe 3 : extrait de cacao + multivitamines, pour étudier leurs effet combiné

  • Groupe 4 : placébo de cacao + placébo de multivitamine, constituant donc le groupe contrôle


L’extrait de cacao contenait 500 mg de flavanols de cacao (dont 80 mg d’épicatéchines, 50 mg de théobromine, 15 mg de caféine) à prendre tous les jours.


Le multivitamine contenait :



Les patients potentiellement incluable ne devaient pas avoir d’antécédent cardiovasculaires graves (IDM, AVC) ou de cancer (sauf de la peau), ni aucune maladie grave. Autrement dit ils ont inclus des patients globalement en “bonne santé”, ce qui est évidemment un biais qu’il est important de comprendre. Ils ne devaient pas prendre d’autres compléments alimentaires, ni y être intolérant ou allergiques. Ils devaient également avoir fait une période de “rodage” avec un placébo, c’est à dire avoir prit pendant 2 mois des gélules placébo avec une bonne observance (> 75%) pour être inclus. Par ailleurs ils devaient avoir des capacités cognitives non altérées au moment de l’inclusion.


21 442 patients ont été randomisés dans COSMOS, plus de 5000 ont été inscrits, et finalement l’analyse a pu porter sur 2082 patients qui ont terminé l’évaluation cognitive à l’année 1, 1906 à l’année 2, 1790 à l’année 3 et 1732 au cours des 3 années de suivi, ce qui en fait une étude importante car portant sur plus de 1700 patients sur 6 ans.


L’âge moyen à l’inclusion était de 72 ans, et il y avait 60% de femmes et 40% d’hommes. 54% des participants prenaient un anti-hypertenseur, 43% une statine. 20% avaient des symptômes de dépression, 3% fumaient du tabac, 28% consommaient de l’alcool quotidiennement.


De nombreux tests cognitifs ont été réalisés à plusieurs intervalles de temps : rappel de liste de mots à court délai (10 minutes), rappel supplémentaire de liste de mots à long délai (40 minutes), rappel d’histoire immédiat et différé (SRI et II), Trail-Making Test Part B (OTMT-B), fluence verbale catégorielle et par lettre, empan numérique, test d’ordre des chiffres.


Les résultats sont très nets :

https://alz-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/alz.12767, Figure 2


Aucune différence entre le cacao et le placébo, en revanche une différence claire et statistiquement significative pour le multivitaminé.

Dans le groupe multivitamine, les auteurs ont cherché à savoir s’il y avait un effet lié à des sous-groupes et en effet, ils retrouvent une importante différence en fonction des antécédents cardiovasculaire ou non :


https://alz-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/alz.12767, Figure 3


Autrement dit, chez les patients présentant des antécédents cardiovasculaires (HTA, hypercholestérolémie) la supplémentation avec un multivitaminé a des effets net sur la préservation des fonctions cognitives.


Peu d’autres essais cliniques bien conduits ont été réalisés sur ce sujet. Les auteurs citent tout de même le Physician’s Health Study II (PHS II), une étude sur 12 ans portant sur des médecins américains âgés qui évaluait si un supplément quotidien de multivitamine prévenait le risque de maladies cardiovasculaires majeures ou de cancer (et qui ne retrouvait pas d’effet cardiovasculaire mais une réduction de 9% du risque de cancer). Cette étude ne retrouvait pas de bénéfice sur les fonctions cognitives, mais les auteurs expliquent que les avantages cognitifs précoces des multivitamines dans PHS II auraient probablement été manqués en raison de leur calendrier d’évaluation, et par des différences dans les multivitamines données (de la lutéine et du lycopène ont été ajoutés dans COSMOS, les quantités de vitamines D et K étaient supérieures de 150 à 300 % et les quantités de vitamine A et de minéraux tels que le fer, le magnésium et le cuivre étaient inférieures).


Conclusion : l’étude ne retrouve pas d’amélioration cognitive avec la prise quotidienne pendant 3 ans d’extrait contenant 500 mg/jour de flavanols de cacao. En revanche, il s’agit de la première preuve dans un essai contrôlé randomisé à long terme sur des patients de plus de 65 ans que l’utilisation quotidienne d’un multivitamine (sûr, facilement accessible et peu coûteux) peut améliorer la cognition. Cette découverte pourrait avoir d’importantes implications en matière de santé publique pour la santé du cerveau et la résilience face au futur déclin cognitif.


Article réalisé par NeuroStim

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